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mercredi 12 septembre 2018

The Heart of Humanity - Allen Holubar - 1919


Au Canada, dans une région reculée dont les habitants sont pieux, la veuve Patricia a 5 fils, l'aîné John, et Paul, Jules, Maurice et Louis. La communauté est menée par Michael, un Pasteur qui prend soin de rappeler la dimension supérieure qui lie Dieu à ses ouailles.

La nièce de Michael, Nanette, est emplie de joie lorsque la veuve lui annonce le retour de son fils John, son fiancé. Nanette est aimée des 4 autres frères mais surtout de Paul, qui lui voue une admiration sans borne.

John arrive en canoé en compagnie d'un allemand Erich von Eberhard (il semble que cet homme soit venu espionner et son rôle n'est pas clair. Toutefois comme il semble ne pas vivre sous le toit de la veuve, on peut considérer que ce n'est pas un ami de la famille, encore que le doute est installé).

Un jour alors que Nanette prie au pied d'un petit autel dédié à la vierge Marie, l'affreux Erich tente de l'agresser. Heureusement John survient à temps pour éloigner la jeune fille..

John et Nanette se marient mais la guerre est déclarée par la Grande-Bretagne qui craint l'invasion de la Belgique. La plupart des hommes, dont les fils de la veuve, s'engagent sous le drapeau, sauf le plus jeune fils auquel ses frères demandent de veiller sur leur mère. 3 jours plus tard, les hommes embarquent et se retrouvent sur le front tandis que la vie reprend au village. Nanette accouche d'un bébé après neuf mois ..



Quelle surprise de découvrir les commentaires peu amènes des spécialistes ou spectateurs ayant vu ce film. D'aucuns voient en The Heart of Humanity une espèce d'imitation de Hearts of the World (sortie 4 avril 1918, première 12 mars 1918 à Los Angeles) tourné par D.W. Griffith et dont le tournage a pris fin quelques mois plus tôt et qui est à mon sens beaucoup plus bâclé.
The Heart of Humanity (sortie 15 février 1919, première 22 décembre 1918 à New York) m'ayant beaucoup touchée, j'ai de la peine à comprendre qu'on puisse trouver Hearts of the World plus abouti, ou trouver Lilian Gish plus captivante que Dorothy Phillips qui se montre emplie de courage et d'amour. Dans les apparences, Dorothy Phillips est très expressive, son visage exprime une multitude d'émotions à grande vitesse ce qui perturbe un peu au départ. Ainsi elle peut pleurer et sourire en une fraction de seconde, toutefois les accords sont justes et sa sincérité évidente.
Il n'y a pas photo entre une Lilian Gish qui cabotine dans le film de Griffith et Dorothy Phillips qui certes joue de façon appuyée mais démontre une vraie profondeur. Alors oui tout le monde aime Lilian Gish, oui son nom a traversé le siècle, oui c'est une grande actrice, mais la comparaison entre ces deux films et les performances des deux actrices principales est totalement injustifiée. Quelquefois je trouve que les critiques sont franchement obséquieux avec leur l'intellectualisme pédant, pour moi un film c'est comme un tableau, ça vous touche ou ça ne vous touche pas, ça n'a rien à voir avec des théories et il ne suffit pas de maitriser la technique ou d'être célèbre pour réaliser un film qui parle au coeur.
En passant je précise que The Heart of Humanity rappelle un peu aussi l'action de Four Sons tourné par John Ford en 1928.

Pour qui veut le voir avec des yeux neufs, ce film est empli de poésie et d'action, le rythme est constant, les scènes de guerre et de mort vous prennent aux tripes, les fils sont bien incarnés et Margaret Mann est parfaite dans ce rôle de mère à qui la guerre a pris les enfants. Le tout a un élan mystique très poignant.

Certes le patriotisme est de mise, et oui les allemands sont dépeints comme le diable et les ténèbres (les casques à pointe n'arrondissent pas les angles si j'ose dire !) et les alliés comme l'espoir et la lumière. Il y a une vraie dimension spirituelle dans ce film, l'espoir fait mal mais la grandeur des protagonistes vous fait frémir et verser des larmes. Ou alors il faut être une mère pour comprendre la douleur d'une autre mère et l'appel des petits innocents touchés par l'horreur de la guerre. Si le film ne vous touche pas, j'aimerais bien en comprendre les raisons ?
 
Robert Anderson joue encore une fois le rôle d'un homme simple qui aime passionnément une femme sans espoir en retour. Cet acteur a un charme très particulier et surtout une manière très sobre de vous faire comprendre la douleur qu'il ressent tout en démontrant un certain fatalisme déchirant. La scène dans la tranchée où il prend son frère mourant dans ses bras m'a donné des frissons de même celle où il joue du violon pour le mariage. Une sensibilité palpable et du grand art, dommage pour les spectateurs qui ne le voient pas ainsi, ils ratent quelque chose de très doux et triste et de profondément humain.
William Stowell a ici encore un rôle d'homme qui sait où il va, ce qui lui va comme un gant. Dans le fond on ne le voit pas tant que ça durant les 106 minutes que durent ce film.

Ah j'oubliais, il faut aussi parler de Erich von Stroheim, sans quoi ce poste ne fera pas sérieux car visiblement la majorité des spectateurs ne voient que lui. Von Stroheim a une grande présence à l'écran, c'est indéniable, ici il incarne le diable sous la forme d'un prussien qui débarque on ne sait pas trop pourquoi dans ce village canadien bien qu'on parle d'espionnage. On ne sait pas non plus comment il a rencontré John.
Il y a une scène assez fascinante au pied de l'autel dédié à la vierge Marie, lorsque Von Stroheim est captivé par la pureté de Nanette et ce qu'il appelle sa "faiblesse" de croire en Dieu.

Ce qui m'a frappée surtout, c'est la légèreté de John face à Nanette qui est encore sous le choc de la rencontre. Bien sûr l'araignée qui monte sur la gorge de la Vierge Marie est bien symbolique aussi et confirme le côté diabolique d'Erich.
Il y a aussi la scène de la tentative de viol de Nanette à la fin que je trouve particulièrement violente. Ici pas de faux semblants, ni d'images implicites. La scène est dure et crue et culmine dans l'horreur avec le lancer de bébé par la fenêtre. Comment montrer les allemands plus odieux ? le réalisateur les montre non seulement cruels mais aussi lâches en se protégeant avec des femmes et des enfants lors d'une attaque. Ici pas un allemand est montré sous un jour plus humain, en cela c'est de la vraie propagande, il ne faut pas l'oublier.

Le début est très clair, ce film traite de l'amour sous toutes ses formes, et bien sûr aussi sous la forme du patriotisme très poussé vers  la fin. La manière de glorifier les américains qui se lancent dans le conflit en avril 1917 fait de l'ombre aux combattants qui se battent depuis le début du conflit (même si en réalité de nombreux volontaires américains s'étaient engagés dans les troupes alliées dès 1914). 

Ce film rend honneur aux combattants mais honore aussi les femmes, celles qui sont restées les yeux pleins de larmes au pays et celles qui sont parties sur le front. En ce sens c'est un film très moderne et féministe, les femmes n'y ont pas des rôles de potiches qui attendent dans l'ombre.

Bizarrement Nanette est prise pour une américaine vivant au Canada ? Je ne vois pas ce qui le confirme ?

A noter les petits rôles de Lloyd Hughes, George Hackathorn, Pat O'Malley, etc.

Pour les scènes tournées dans les tranchées, des milliers de litres d'eau ont été pompés depuis une rivière de Los Angeles.

Titres français
Le coeur de l'humanité
Pour l'humanité

106 minutes

Dorothy Phillips ... Nanette
William Stowell ... John Patricia
Robert Anderson ... Paul Patricia
Walt Whitman ... Father Michael
Margaret Mann ... Widow Patricia
Erich von Stroheim ... Eric von Eberhard
Lloyd Hughes ... Jules Patricia
Frank Braidwood ... Maurice Patricia
George Hackathorne ... Louis Patricia
Pat O'Malley ... Clancy
William Welsh ... Prussian Officer



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