Un des acteurs les plus talentueux et prolifiques de son époque, il n’apparait que dans 6 films "parlant" dont le dernier est tourné en 1934.
Sa carrière durant les premières années ne comporte que des rôles principaux dans des films de plusieurs bobines. Il a été très sollicité dès ses débuts en 1920 en incarnant des héros solides, fiables et intelligents.
Après ses études au St Mary College, il avait pensé étudier la médecine mais était atteint par le virus du théâtre depuis ses jeunes années; son engagement pour jouer un petit rôle dans Mistress Nell l'a convaincu de poursuivre dans cette voie.
Le cinéma prenait une place de plus en plus importante et Tom était pour sa part un peu réticent à cet art car il était très partisan du théâtre dont il appréciait énormément le direct et le public.
Fan de Meighan, Samuel Goldfish (Goldwyn) travaillait au conseil de direction chez Lasky. Il usera de tous les stratagèmes possibles pour le pousser à tourner pour lui. Il mit un jour un contrat très prometteur sous ses yeux et lui tendit un stylo. Le stylo entre les doigts, Meighan demanda à quelle heure il devrait se présenter le matin au travail. "Comme tout le monde, entre 06h30 et 07h00 ou 7h30 si vous avez de la chance" fut la réponse. Meighan lui répondit "qu'il avait choisi le théâtre car c'était le seul travail qui lui permettait de dormir jusqu'à midi et de ne pas compter sur lui tant que ces horaires seraient maintenus". Comme Meighan le souligna plus tard, son obstination l'empêcha d’être un pionnier du cinéma.
En 1914 Meighan se décida à tourner dans un film pour Cunard Company
Dandy Donovan puis
ce fut The Gentleman Cracksman dans lequel il avait Gladys Cooper comme partenaire féminine. A partir ces films, Meighan ne revint jamais au théâtre malgré les quolibets de ceux avec lesquels il travaillait dans ce milieu lorsqu'il leur annonça qu'il envisageait de poursuivre dans l'industrie cinématographique. Mais Tom était fermement décidé à poursuivre dans son choix et avec un contrat de Goldwyn de chez Famous Players-Lasky en main, le couple partit pour la Californie au printemps 1915.
Contrairement à ce qu'il prétendait lui-même, Tom était un homme séduisant qui obtint très vite du succès auprès de ses fans. Son premier film fut
The Fighting Hope avec Laura Hope Crews dirigé par George Melford en 1915. Ensuite il tourna pour DeMille
Kindling, le premier des 5 films qu'ils tourneront ensemble. En 1915 il tourna encore 5 films pour George Melford sous la bannière de Paramount, compagnie avec laquelle son contrat durera 15 ans. Dans tous ces films Meighan obtient des rôles d'hommes forts. Sa carrière était lancée et le succès au rendez-vous.
En 1918, Meighan retourna à New York ce qui lui fit très plaisir car pour une raison connue de lui seul, il n'avait jamais adopté la Californie. A New York les Meighans se sentaient chez eux. Bien sûr ils étaient retournés pour de courts séjours à New York entre temps, mais il apparait qu'en 1918 5 films sur les 8 films tournés cette année là ont filmés au studio de New York. la plupart en extérieur.
A son retour en Californie en 1919, il est engagé pour tourner
Peg o' My Heart qui n'est jamais sorti pour des raisons légales. Il tourna ensuite
The Thunderbolt. La chance de l'Irlandais était avec lui car après avoir lu une histoire intitulée
The Miracle Man dans un magazine écrite par Frank L. Packard, Meighan fut aussitôt convaincu que cette histoire aurait grand succès au cinéma et en acheta les droits. Il monta donc sa propre compagnie de production et organisa la sortie du film dirigé par George L. Tucker via Paramount. Bien lui en pris car le succès fut fulgurant avec son casting de rêve : Lon Chaney, Betty Compson, Elinor Fair, et Thomas Meighan devinrent des stars. L'histoire raconte comment 4 artistes retrouvent la voie du bonheur grâce à un homme doué de talents particuliers.
The Miracle Man est l'un des films muets qui obtint le plus de succès en ce temps là. Il est listé comme l'un des "Fifty Great American Silent Films 1912-1920" par Anthony Slide et Edward Wagenknecht.
Thomas Meighan était le genre d'homme qui obtenait ce qu'il désirait. Comme il l'expliqua lui-même au cours d'un interview, 'Il ne considérait pas la comédie comme un art mais comme une entreprise normale et se considérait comme un homme d'affaires".
"l'interprétation compte pour moins de 50% dans le succès à l'écran, il vaut mieux être un homme à tout faire qu'un expert au talent unique si l'on souhaite persévérer dans ce business. Pour atteindre un certain degré de réussite un acteur se doit d'être homme de loi, financier, écrivain et psychologue. C'est certainement pour cette raison que de nombreux acteurs n’atteignent jamais le succès ... ils se limitent à n'être que des acteurs".
Meighan insiste sur le fait qu'un acteur doit s'intéresser aux histoires et aussi connaitre le moyen de les obtenir pour lui même. Les histoires sont bien plus importantes que l'acteur et ses capacités à les rendre vivantes. Une star qui évolue dans une histoire médiocre est comparable à un marchand qui tenterait d'écouler de la marchandise de mauvaise qualité. Un acteur doit démontrer de la personnalité pour plaire au public de même un marchand doit se montrer affable et accommodant pour plaire à ses clients. Un acteur doit avoir des capacités à jouer, un marchand doit avoir des capacités de vendeur. Mais ni l'acteur ni le marchand n'arriveront à quoique ce soit sans la marchandise.
Pour obtenir de la bonne marchandise, un acteur doit la connaître. Pour connaitre une histoire, l'acteur doit s'intéresser à la construction dramatique, l'interprétation et la vie.
Quelquefois le fait de désirer une histoire qui vous convient amène des confrontations avec la compagnie qui vous lie par contrat. Un acteur doit avoir un contrat qui lui permette de renoncer à tourner un film mais ce privilège n'est rien s'il ne peut se permettre d'offrir une critique constructive. On ne dit jamais non sans raison. Et cette raison a intérêt d'être liée aux affaires puisqu'on est dans un milieu d'affaires. "Même ainsi il est tenu de jouer et il joue quoiqu'il doive jouer".
Meighan n'a jamais interprété un jeune homme car il avait 36 ans à ses débuts dans le cinéma. Il a toujours du se montrer sincère, honnête, fiable et mûr pour convaincre ses nombreux fans. Après le succès de
The Miracle Man il a pu jouir de moments privilégiés et d'une certaine fortune.
Thomas Meighan avait des goûts simples. Il allait se coucher avant 23h00 (sauf à New York) et se levait à 07h00 le matin (NB : il est mentionné ci-dessus qu'il dormait une partie de la matinée, je suppose que cela était lié à sa carrière théâtrale). Au réveil il prenait son café et un œuf à la coque (3 minutes) avec sa femme. Son sens de l’auto-dérision était constant et il n'a jamais possédé de voiture jusqu'en 1922. Lorsqu'ils vivaient sous le soleil de la Californie, les Meighans habitaient dans un petit pavillon avec un jardin et des fleurs, rien de prétentieux.
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The Canadian |
Frances Ring décrit son mari comme un Peter Pan qui n'a jamais grandit. D'après elle Tom est resté un enfant dans l'âme toute sa vie. La vie commune était un plaisir et elle n'était pas jalouse du succès qu'il avait obtenu auprès des dames qui lui écrivaient car il le méritait.
D’après George Ade qui lui avait fourni son premier rôle, "au début de sa carrière Tom a eu un bon salaire composé de 3 chiffres comparé à celui d'autres jeunes acteurs. De nos jours en 1924 il comporte 4 chiffres par semaine et compte parmi les salaires les plus élevés du monde en ce qui concerne un acteur. Il est populaire où qu'il aille car on peut voir que le succès ne lui est pas monté à la tête. Il est toujours modeste, avenant et gentil. Il gagne bien sa vie mais ne dépense pas son argent de manière extravagante. Meighan est fidèle à ses amis et n'oublie jamais ses amis".
Malgré ses dires Tom était un vrai artiste. Bien qu'au sommet de sa profession il n'hésitait pas sacrifier un revenu pour tourner dans la compagnie qui l'intéressait. C'était en quelque sorte sa philosophie. Dans ses débuts il a préféré travailler avec des artistes comme Henrietta Crossman et William H. Crane pour une bouchée de pain plutôt qu'avec des artistes médiocres mais avec un bon salaire. Il agissait de même avec les directeurs car il savait que la qualité d'un film dépend de son directeur et préférait bien sûr tourner avec des gens comme Cecil B. DeMille s'il en avait l'occasion.
Après avoir tourné
Thunderbolt pour First National il retourne auprès de Famous PLayers-Lasky et tourne
l'Admirable Crichton puis
Why Change your Wife en 1920 pour Cecil B. DeMille.
Maintenant au sommet de sa popularité, ses scénarios sont choisis avec soin et même souvent écrits pour lui, ses amis sont des écrivains nommés Geworge Ade, Booth Tarkinson, Ring Lardner, Rex Beach, James Oliver Curwood, Peter B. Kyne, etc. Tarkinson et Ade étaient des amis très chers avec lesquels il passait souvent des vacances. Il jouait au golf avec Lardner.
Les Meighans, des "easterners" dans l'âme avaient acheté une grande propriété dans un endroit à la mode à King's Point Section of Great Neck, Long Island qu'ils avaient appelé "Grenwolde". Lorsqu'ils n'étaient pas en Californie, lui et sa femme profitaient de leur somptueuse maison et de leurs jardins.
Dans les années 20, il a tourné principalement aux studios Astoria sur Long Island. Comme il est dit plus haut la plupart des tournages se déroulaient en extérieur à partir des studios. Il retournait fréquemment en Californie tourner un film mais revenait à New York une fois terminé. Il aimait sa vie privée et ne se mêlait pas aux autres célébrités d'Hollywood.
Il retourna à Hollywood en 1922 pour tourner
Manslaughter avec Leatrice Joyce pour Cecil B. DeMille.
Thomas Meighan avait un sérieux problème avec l'alcoolisme, ce qui n'était jamais mentionné. Il avait tendance à boire énormément entre les tournages mais ne buvait jamais lorsqu'il travaillait. Il n'a jamais mis en péril une production ni ne s'est montré hors de lui. A ce sujet il a dit une fois que plus il voyait de tempéraments d'artistes plus il était heureux de ne pas en avoir. S'il en avait, il a fait en sorte de le garder sous contrôle soigneusement pendant tout ce temps de manière à ne pas se laisser dépasser par son caractère lorsque la pression était trop forte.
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Pas vraiment homme des cavernes dans The Mating Call avec | Renee Adoree |
Comme Meighan était souvent engagé comme homme fort et se montrait plutôt rude avec les femmes, il a été décrit comme un homme des cavernes. Dans un article tiré de Photoplay 1920 intitulé "The Confessions of a Caveman" il est écrit qu'il traite les femmes plus durement que quelconque acteur sur l'écran. L'article poursuit "l'autre nuit dans un cinéma qui faisait salle comble à Los Angeles, les spectateurs regardaient cet homme séduisant avec ses yeux sombres et sa bouche souriante coincer une femme attractive contre un mur en la forçant à apprécier ses baisers. Une femme de l'assistance s'est même évanouie, probablement à cause de la tension". En retour Meighan avoua qu'il n'y connaissait rien aux femmes (bien qu'il était marié depuis plus de 10 ans à l'époque).
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Avec Florence Dagmar |
Meighan pouvait se montrer dur avec n'importe quel adversaire sur l'écran. Durant le tournage de
Cappy Ricks écrit par Peter B. Kyne, Tom décrit la bagarre qu'il a eue sur un schooner à 5 mats The Retriever. A 4 miles de la côte au large de Bar Harbour dans le Maine, Tom et Ivan Linow un suédois de 110 kg s'affrontèrent dans un match de boxe à la Dempsey entourés par l'équipage très intéressé par la bagarre. Ivan jouait All-Hands-and-Feet-Peterson dans le film. Après près d'une demi-journée de bagarre Tom Forman annonça qu'il devait bien avoir mis en boîte 20 feet de film. Ils rentrèrent à Bar Harbour vers 21h00, mangèrent et lorsque Tom Forman lui demanda s'il voulait jouer une partie de belote (pinochle) Meighan le chassa de sa chambre car il était tout bonnement épuisé après cette journée harassante.
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Gloria Swanson |
Entre 1920 et son premier film parlant en 1929
The Argyle Case pour Warner Bros. Thomas Meighan a tourné 35 films. Les deux derniers films muets tournés sont produit par Howard Hughes,
The Racket et
The Mating Call.
Au box office de1922 il obtint la 4e place, en 1923 la 1ère, en 1924 la 5e, en 1925 la 10e et en 1926 la 9e. Des années importantes.
Comme mentionné plus haut, les amis de Meighan étaient plutôt des politiciens, des directeurs, des écrivains ... Dans Photoplay de aout 1924 Booth Tarkinson parle de son amitié avec Tom avec lequel il aurait été visiter Sing Sing en compagnie du directeur du pénitencier Lewis E. Lawes. Des "Hi, Tom" fusaient des cellules.
Meighan était ami intime avec bon nombre de célébrités de l'époque dont le tenor irlandais John McCormack et le chef de police de San Francisco, Daniel O'Brien dont le fils n'est autre que George O'Brien que Meighan aurait aidé à lancer sa carrière.
Malgré sa fortune, Meighan n'oublia jamais ses vieux amis du théâtre et se montrait d'une fidélité exemplaire. Lorsque le son arriva, Meighan pensa se retirer du business, il était riche et n'avait rien à prouver. Il était même membre du Lambs Club de New York, avec le grade honorifique de Shepherd of the Lambs.
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Cheater at Play |
En 1929 Warners l'engagea dans
The Argyle Case qui fut bien reçu. Sa reconversion se passa bien. Fox le poussa à tourner 3 films en 1931,
Young Sinners,
Skyline et
Cheaters at Play. Paramount l'engagea dans un rôle de support dans
Madison Square Garden puis deux ans plus tard le rappela pour tourner Mr Peck, le père de Jackie Cooper dans
Peck's Bad Boy.
En janvier 1935 Photoplay déclara que Meighan ne tenait pas en place et qu'il était sur le point de se lancer dans une nouvelle aventure à Los Angeles mais malheureusement celle-ci n'eut jamais lieu car il attrapa une pneumonie qui dégénéra et qui nécessita une opération.
De retour à Long Island, sa condition empira et il mourut le 8 juillet 1936, à l'âge de 56 ans entouré de sa femme (qui mourut le 5 janvier 1951), son frère James et sa soeur May.
2'000 personnes assistèrent à son enterrement à la cathédrale St Patrick. Il a été enterré au Calvary Cemetery dans le Queens à New York.
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The Racket |
Sources :
Eighty Silent film Stars de George A. Katchmer paru chez Mc Farland 1991
The Blue Book of the Screen de Ruth Wing 1922-1923.
Close-ups from the Golden Age of the Silent Cinema, from the Jorifin Collection, John R. Fynch et Paul A. Elby, 1978
Les extraits d'articles sont tirés de
Photoplay volume 14-15, July-December 1918
http://archive.org/details/photoplayvolume11415chic
ou de
Moving Picture World, January 1916