A Shanghai une jeune femme couche son petit garçon qu'elle confie à sa voisine avant de partir faire le trottoir dans les rues durant la nuit. Le lendemain matin elle revient exténuée pour s'occuper de son enfant, la lumière de sa vie. Ainsi se poursuivent les jours et les nuits mais un soir une descente de police la fait fuir. Elle se réfugie dans une ruelle sombre et pénètre dans une pièce où un homme se trouve.
Profitant de la situation une fois le policier parti, l'homme qui se fait appeler le Boss rappelle à la jeune femme sa dette et en profite pour passer la nuit avec elle.
Plus tard il la suit avec ses deux amis et découvre la chambre dans laquelle elle vit, il devient alors le proxénète de la pauvre femme qui ne peut plus s'en débarrasser. Tout l'argent qu'elle rapporte est immédiatement ponctionné par le gros homme qui le joue sans scrupule durant la nuit.
La jeune femme finit par déménager secrètement mais le maquereau retrouve sa trace et continue à profiter de la pauvre fille.
Petit à petit la jeune femme réussit à économiser quelques billets qu'elle cache derrière une brique mal scellée. Le temps passe. Voyant son fils brimé par les enfants du quartier, la brave femme décide d’inscrire son fils à l'école. Le petit garçon est constamment la cible des autres enfants et les parents écrivent au directeur pour dénoncer les activités nocturnes de sa mère.
Le directeur se rend chez la femme qui lui avoue ses activités. Mais son plaidoyer pour le convaincre de sa bonne fois pour donner une vie décente à son fils touche le directeur qui lui promet de garder l'enfant.
Malheureusement le conseil de l'école en décide autrement et l'enfant est expulsé de l'école. La jeune femme décide alors de recommencer une nouvelle vie et découvre que ses économies ont été dérobées par le proxénète. Elle se rend alors le retrouver et, comme il lui avoue avoir tout dépensé, elle le tue d'un coup de bouteille sur la tête ...
Un film muet chinois tourné tardivement, peu de temps avant le suicide de l'héroïne à l'âge de 24 ans, la sublime Lingyu Ruan, une jeune femme belle comme le jour d'un naturel confondant.
L'histoire est d'une grande simplicité, jamais le temps ne parait long tant on est absorbé par les images et tant Lingyu Ruan est fascinante dans ce rôle dual d'arpenteuse de bitume de nuit et mère aimante de jour.
On ne saura pas ce qui l'aura poussée à se prostituer, son passé n'est pas évoqué. Le spectateur n'a aucun doute sur le fait qu'elle aime son enfant de toute son âme et son coeur et pour cela elle est prête à faire de nombreux sacrifices, que ce soit sa manière de gagner de l'argent ou le fait de supporter le boss, un gros homme qui sourit de façon inquiétante sans pour autant se montrer particulièrement violent, si ce n'est une fois lorsqu'il serre le bras de la jeune femme d'une poigne de fer.
Le petit garçon représente l'innocence, il ne comprend pas pourquoi les autres mères rappellent leurs enfants en leur disant qu'il n'est pas d'une bonne famille. Lorsqu'elle se retrouve avec son fils, la jeune femme redevient pure et innocente elle-même ce qui ne peut que vous bouleverser. Tous les deux créent un monde d'amour et de partages, loin des vicissitudes de la vie et des autres qui les mettent à l’écart.
Une très jolie image met en parallèle le bercement du petit garçon et le balancier d'une horloge.
C'est un film courageux, un plaidoyer pour la tolérance. Le directeur représente un homme juste et bon, il saura trouver les mots et aura le courage de suivre ses convictions jusqu'au bout. Un film magnifique porté par cette superbe actrice qu'est Lingyu Ruan !
Le titre chinois a une double signification : déesse de la protection et prostituée en argot mandarin.
Lingyu Ruan a tourné 16 films entre 1927 et 1935, à ce jour seuls 8 d'entre eux semblent avoir été retrouvés.
Le Shanghai des années 30 était bien sombre, coolies, gangsters et syndicalistes s'y côtoyaient.
En 1934 la Chine est en pleine guerre civile depuis 1927, le Kuomintang (KMT, parti nationaliste) de Sun Yat-sen puis après sa mort de Chang Kaï-chek est opposé dans un conflit armé au Parti communiste chinois (PCC). La fin du conflit aura lieu 15 ans plus tard en 1949, avec la proclamation de la République populaire de Chine de Mao Tsé-Tung et de la "République de Chine" à Taïwan (toujours par reconnue par la Rep Pop de Chine et de nombreux autres pays si je ne m'abuse pas).
On trouve ce film dans un livret édité par Hong Kong University Press en 2005 (il a été réédité plusieurs fois depuis cette date), il s'intitule "Ruan Ling-Yu the Goddess of Shanghai" et il est écrit par un passionné de cinéma muet chinois et un admirateur de Lingyu Ruan, Richard J. Meyer.
Titre français : La divine
73 minutes